Salima Halali: Une voix transfrontalière

Par Charaf Nor
Salim Halali DR
Salim Halali DR

L’art n’a pas de frontières, et ainsi la voix de Salim Halali. Cet artiste dont la voix déchirante, forte, pleine et pénétrante a chanté et enchanté un large public grâce à son timbre unique et plein d’émotions.

Né en 1920 à Annaba au sein d’une famille originaire de Chaouiya en Algérie et décédé en juin 2005 à Antibes en France. Salim Halali, de son vrai nom Simon Halali, est issu d’un père d’origine Ottomane et d’une mère judéo-berbère. Il décide de quitter sa famille à l’âge de quatorze ans et débarque à Marseille en 1934.

 

Salim Halali, artiste maghrébin par excellence

 

La voix profonde de Salim Halali lui donnait libre cours à chanter et à exceller dans plusieurs variétés et styles musicaux. 

A travers différentes langues et différents dialectes, Salim a toujours transcendé les frontières avec sa voix pour s’exprimer et transmettre sa passion et son amour pour le chant et pour le patrimoine judéo-arabe.

Vu ses origines juives, Salim était surtout spécialisé dans le chant judéo-maghrébin. Il a toujours chanté et interprété aisément des chansons avec le dialecte algérien, tunisien et marocain, créant ainsi l’unanimité autour de ses cordes vocales typiques et majestueuses.

Salim était également connu pour sa maîtrise des instruments de percussion comme la «Darbouka» et il jouait également au luth.

 

Un début de carrière mouvementé

 

Après Marseille, et à l’occasion de l’exposition universelle de 1937, Salim Halali décide d’aller à Paris pour y débuter une carrière de chanteur de charme espagnol au cabaret «le club».

Là-bas, il rencontre Mohamed El Kamal et Mahieddine Bachtarzi. Ces deux maîtres initient Salim au chant arabo-oriental et l’intègrent à la troupe «Al Moutribia», fondée par Edmond Yafil, pour une grande tournée dans les capitales européennes.

Il rencontre aussi Mohammed Iguerbouchen, fondateur du Cabaret Al Jazair et génie de la musique, qui lui composa des morceaux à sa mesure.

En 1938, Salim Halali fait une tournée européenne et ses disques de flamenco en arabe connaissent le succès en Afrique du Nord, réalisent des ventes record et deviennent, dans l’effervescence des années quarante, «la coqueluche des radios d’Alger, Tunis, Rabat et Tanger qui passaient, en boucle, ses chansons…», selon Nina Banon, l’une des premières journalistes marocaines de Radio Tanger.

En 1940, Salim Halali échappe à la déportation des nazis grâce à l’intervention de Si Kaddour Benghabrit, qui était Ministre plénipotentiaire au Maroc sous le protectorat et également nommé premier recteur de la grande mosquée de Paris. Ce dernier délivre à Salim une attestation de conversion à l’Islam au nom de son père et fait graver le nom de ce dernier sur une tombe abandonnée du cimetière musulman de Bobigny. Kaddour Benghabrit engage ensuite Salim au café maure de la mosquée où il s’est produit en compagnie de grands artistes comme Ali Sriti et Ibrahim Salah. En 1947, Salim Halali renoue avec le succès et crée à Paris un cabaret oriental qui s’appelle «Ismaïlia Folies». Ce cabaret était situé dans un hôtel particulier qui appartenait à Ferdinand Lesseps dans la prestigieuse avenue Montaigne. Ceux qui l’ont fréquenté se souviennent de ses folles soirées à clientèle huppée à l’instar d’un roi Farouk d’Égypte, de sa cour et des stars comme Mohammed Abdel Wahab et Oum Kalthoum. En 1948, Salim en crée un autre, «le Sérail», rue Colisée.

 

Salim Halali, histoire d’un séjour au Maroc

 

Après des années passées en France, où il a connu la célébrité et amassé une bonne fortune, en 1949, à l’apogée de sa carrière, Salim Halali décide de s’installer au Maroc, dans l’ancienne Médina de Casablanca. Séduit et charmé par l’atmosphère de la Médina et de son ambiance, Salim rachète un vieux café qu’il transforme en un prestigieux cabaret, le «Coq d’Or». 

Cet endroit, qui se composait de six salons décorés de draperies tissées d’or et de meubles Louis XV, devint rapidement un lieu incontournable pour les touristes ainsi que pour de nombreuses grandes familles casablancaises et pour d’importantes personnalités.

Le «Coq d’or» est un endroit qui a favorisé l’émergence de nombreux grands artistes marocains, comme El Hajja El Hamdaouiya, Latifa Amal, El Maati Benkacem, le luthiste Omar Tantaoui... Et où se sont produits également des artistes prestigieux comme Mohamed Fouiteh, Line Monty, Blond Blond, Lili Boniche, Chafia Rochdi, Warda Al Jazairia et Raoul Journo, entre autres.

Salim Halali a vécu de longues années de bonheur au Maroc entre enregistrements d’albums à succès, soirées somptueuses et prestations scéniques, jusqu’à 1965.

Le «Coq d’or» a été détruit dans un mystérieux incendie au début des années 1960. 

 

Retour en france et retrait

 

Après avoir quitté le Maroc, écoeuré et dépité, Salim Halali s’installe sur la Côte d’Azur. Après une longue période d’absence, Salim revient sur la scène musicale dans les années 1970. Il donne un autre tournant à sa carrière en sortant son premier disque en français dont les textes sont nostalgiques.

Avec ce nouveau style de variété française aux sonorités judéo-arabe, il fait salle comble à Paris. Salim finance également deux studios d’enregistrement en faisant venir les meilleurs musiciens du monde arabe, avant de se retirer à Cannes pour se consacrer à sa passion d’antiquaire, de collectionneur de tapis persans, bibelots et autres objets d’art.

Salim Halali poursuit ainsi cette vie sans compter, jusqu’en 1992-1993, date à laquelle il doit finalement brader sa magnifique villa cannoise. 

Il finira ses jours dans une maison de retraite, dans l’anonymat le plus complet, jusqu’à son décès en juin 2005 après avoir vécu seul et isolé, et après avoir laissé un héritage musical riche d’un ensemble de chansons célèbres, telles que «Mounira», «Si j’avais mon père», «Sevillane», «Mani oulidek», «Habibti samra», «Tah tkhabbal», «Sag N’jak»...

Ainsi fut Salim Halali. Un artiste, raffiné et cosmopolite aux identités multiples. Il fut l’une des plus belles voix de la chanson maghrébine. Aujourd’hui, il arrive à une nouvelle génération de fredonner ses titres et de lui rendre hommage, à sa façon.