
Organisé depuis 8 ans, sous le nom du Festival des Villes Anciennes de Mauritanie (FVAM), et désormais rebaptisé «Festival des Cités du Patrimoine (FCP)», le plus grand événement culturel de l’année en Mauritanie vise plusieurs objectifs liés «à la promotion économique, touristique et culturelle des cités anciennes».
Ces villes ont joué un rôle important dans la diffusion du savoir et les échanges historiques entre l’Afrique de l’Ouest et le Maghreb.
Cette manifestation, dont le coup d’envoi a été donné par le président Mohamed Cheikh El Ghazouani en présence de plusieurs membres du gouvernement, des représentants des partis politiques, du corps diplomatique notamment l’ambassadeur du Royaume du Maroc, Hamid Chabar, habillé d’un superbe boubou à la mauritanienne et de toute la crème de la République, a étalé ses fastes dans la cité désertique de Ouadane du 10 au 14 décembre 2021.
Une fête pittoresque aux mille couleurs et lumières, pour faire revivre la mémoire d’un passé de gloire, orienter de manière rationnelle les actions de développement du présent et dégager les perspectives d’un avenir inspiré par la boussole d’un horizon de progrès. Une perspective permettant également la promotion économique, sociale et touristique de ces cités.
Ces villes sont Chinguetti, Walata, Oudane et Tichitt, qui renferment des trésors sous forme de manuscrits soigneusement conservés dans les bibliothèques.
La ville hôte du FCP version 2021, est aujourd’hui la capitale d’une Moughataa (département) de la wilaya (région) de l’Adrar, située au Nord de la Mauritanie dans une zone au climat désertique, hostile et faiblement peuplée.
Focus sur les origines
La ville de Ouadane fût fondée à partir d’un groupe de petits villages sur lesquels on connaît peu de choses. Certains sont qualifiés de villages Massoufa, et d’autres sont dits Azer. Les ruines de ces villages se situent dans le périmètre de l’actuel Ouadane. Il s’agit de la Qribiyat, Tamgouna et Teftel.
Mais, Tinlabba se trouve à 7 kilomètres au Nord de la ville, tandis que Farani est située dans la Hofra de Ouaadane, selon différents historiens. Ces cinq groupements constituent le noyau humain et urbain de Wadane. Les anciens habitants de ces villages ont fondu dans la population qui a créé la nouvelle ville à partir du 6é siècle de l’Hégire/12é siècle. Il s’agit de la tribu des Idawalhaj». Au plan historique, le récit de la fondation d’Ouadane fait l’unanimité des spécialistes de la tradition. En effet, tous soutiennent une thèse selon laquelle la ville a été fondée par trois pèlerins qui sont à l’origine des trois branches de la tribu des Idawalhaj : Elhaj Othman, Elhaj Yaqub et Elhaj Ali.
D’après l’historien Moctar ould Hamdoun, «le premier arrivé à Ouadane était Elhaj Othman, ancêtre des oulad Elhaj, il venait d’Aghlat Warika au Maroc, avec le chérif Abdel Moumin, le fondateur de Tichitt. Il s’est par la suite joint à Elhaj Yaqub, ancêtre des Idiaqub, et les deux ont fondé Ouadane en 536 de l’Hégire. El Haj Ali, ancêtre des Louteidat et Idawbja et enfin Abderrahman As-sa’im, sont arrivés par la suite. La descendance de ces quatre personnalités et les proches ont constitué l’essentiel des ensembles tribaux qui composent actuellement la cité». Cette version est confirmée par des témoignages concordants recueillis sur place.
Des trésors cachés
Par ailleurs, l’histoire de la cité ancienne racontée à travers les éphémérides, par les spécialistes en la matière ayant fréquenté de grandes universités et les traditionalistes issus du terroir, retient un passage des Almoravides, attesté «par des images confuses». Ainsi, un récit historique écrit par Ahmed Ben Habott, datant de 1301 de Hégire/1884 JC «indique que l’émir Abou Bakr Ben Omar avait conquis Taqribiyat, près de Ouadane et que ses habitants étaient Azers et Soninkés».
L’existence et la vie de la cité à l’époque sont aussi mentionnées à travers quelques témoignages écrits et à travers la narration du déroulement de quelques rares conflits armés. La mention du nom de la cité de Ouadane apparaît pour la première fois dans un document en langue latine laissé par un commerçant italien de la ville de Gênes, Antonio Malfante, après un voyage en 1447. Celui-ci contient des informations importantes sur les échanges entre Touat et le Soudan. Il y est également fait mention de Ouadane.
La ville se situe au Nord. Par elle passe en grande quantité, le sel de Taghaza en direction du Maroc.Par la suite, ce nom sera régulièrement cité dans les récits des explorateurs portugais à partir du milieu du 9é siècle/15é siècle de l’Hégire «la ville est présentée comme le plus important centre commercial de l’Ouest saharien».
La ville ancienne est matérialisée aujourd’hui par deux parties distinctes hautement symboliques de son histoire: la cité du savoir et l’Oasis (Les palmeraies)
Les touristes et les autres voyageurs, qui séjournent à Oaudane pour diverses raisons, peuvent faire énormément de découvertes. Il s’agit notamment des monuments du vieux quartier au sein duquel est située la rue des 40 savants, l’ancienne mosquée (partie Nord), les demeures des fondateurs de la ville, la muraille qui protégeait jadis la cité contre les potentiels envahisseurs.
Une autre particularité de la cité réside également dans les caractéristiques architecturales «avec des influences méditerranéennes dans les plans de maisons» à l’image des autres villes anciennes (Chinguetti, Walata et Tichitt).
En fait, les maisons traditionnelles des villes anciennes de Mauritanie dont Ouadane, ont des éléments en commun comme l’entrée, la cour et la pièce principale appelée ici Segfa. La longueur de cette pièce peut atteindre 10 mètres, tandis que la largeur ne dépasse pas deux mètres, puisqu’elle comporte rarement des piliers.»
La fonction commerciale de ces centres privilégie également la dimension stockage des produits.
A Ouadane, le visiteur est également frappé par «les niches murales triangulaires» ornant les façades, appelées «kafnagha» qui ont un important rôle décoratif.
Cette ville ancienne est aussi célèbre par ses manuscrits, classés parmi les plus anciens de Mauritanie, conservés dans 17 bibliothèques.
Ouadane est également réputée pour ses jeux traditionnels, ses traditions culinaires et sa gastronomie raffinée.
Dans deux discours prononcés à l’occasion du coup d’envoi du Festival des Cités du Patrimoine 2021, le ministre mauritanien de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, chargé des Relations avec le Parlement, Moctar ould Dahi, et le président Mohamed Cheikh El Ghazouani, ont insisté sur la dimension du développement de la manifestation et les projets en cours de réalisation à Ouadane, dans le cadre d’un programme d’investissements au profit des villes anciennes, dont 300 millions de MRU (soit plus de 8 millions de dollars) consacrés à la cité hôte de l’événement 2021.
Il s’agit de réaliser un espace culturel pour les jeunes, une série de digues pour retenir les eaux d’écoulement afin d’alimenter la nappe phréatique, un programme d’aménagement des oasis grâce au développement de nouvelles méthodes culturales, la création de palmeraies modèles sur une centaines d’hectares, soit 14.000 palmeraies au profit de 150 familles parmi les franges les plus vulnérables.