
Un regard perçant et scintillant, une personnalité forte et confiante, et une sensibilité artistique qui touche la corde émotionnelle. Lobna Nooman, cette star affirmée de la scène artistique tunisienne, ne cesse de nous éblouir avec sa musique originale qui nous plonge dans le songe, la chimère et le fantasme.
Femme de caractère fier et chanteuse avant-gardiste, Lobna a su créer son propre style et univers, en mêlant avec richesse la force d’un héritage culturel qui l’inspire et l’ambition d’une démarche contemporaine qui la séduit.
Surprenante par la qualité et la profondeur de sa voix, la variation des styles musicaux adoptés, et les thématiques abordées par ses chansons, Lobna a réussi à imposer son empreinte avec talent dans la scène musicale maghrébine. Elle est le parfait contraste entre le old school et le moderne.
Comme sa musique, elle n’a aucune limite, son ambition est plus grande et sa volonté d’aller plus loin est imperturbable. Se surpasser est sa vocation. Sa musique chaleureuse qui nous emporte dans un voyage de souvenirs marque un retour aux sources et aux origines, une façon de reconstruire une mémoire commune.
Hymne au patrimoine culturel
Avec des titres puisés dans le patrimoine musical tunisien sur un nouvel arrangement et une nouvelle distribution, Lobna rend hommage à travers son art au patrimoine culturel et musical tunisien. Son but ultime est de conserver ce riche héritage et donner vie aux chansons qui tombaient aux oubliettes.
«Je travaille sur des chansons alliant le classique et le contemporain, tout en conservant l’héritage culturel avec un souffle de modernité», confie Lobna Nooman à «Maghreb1».
«J’aime tout ce qui touche aux racines et à la mémoire. J’aime les voix des grands-mères, mais aussi celles des jeunes, chaque époque à ses spécificités musicales, et c’est ce mélange qui fait la particularité de ma musique», poursuit cette chanteuse tunisienne d’envergure.
Elle a ainsi relevé qu’elle a choisi de baser son art sur le patrimoine tout en s’ouvrant sur les musiques du monde, afin de conserver l’héritage oral, les voix oubliées qui ont commencé à s’éteindre et les chansons qui ressemblent aux mythes de vieilles femmes.
«Je veille aussi à choisir les bons textes pour mes chansons...les mots sont très importants pour moi, j’aime la poésie libre, les formes d’écritures poétiques modernes, le haïku, et aussi la narration, en racontant des histoires à travers les chansons», souligne-t-elle.
Ses chansons sont à la fois simples et profondes, portant une multitude de significations, de sentiments et d’images… «Je crois en la valeur de l’art, en tant que moyen puissant pour faire régner la beauté et la paix et influencer l’existence, la pensée, la conscience et la mémoire», dit-elle.
Activiste et engagée
Chanteuse engagée qui se bat pour faire entendre la voix des opprimées et fervente défenseuse des droits des femmes, Lobna ose et assume. Elle a fait de l’art son arme de contestation et de lutte.
Lobna a toujours mis sa pensée et sa voix au service des questions sociopolitiques et des valeurs humanitaires. C’est une artiste qui lutte contre l’injustice, l’obscurantisme..., possédant une passion authentique à communiquer la vie, l’amour et l’espoir, portée par la voix et la foi.
Elle a collaboré avec des figures de la chanson tunisienne: Ridha Chmak, Zouhaier Gouja, Oussema Farhat et Mohamed Elgarfi. C’est sa rencontre avec le compositeur Mahdi Chakroun qui va être décisive quant au choix de la musique qu’elle a envie de raconter.
Ensemble, ils fondent le groupe «Hess»( Sensations/vibrations) en 2012. Après une série de spectacles qui ont connu un vif succès à l’échelle national, leurs efforts vont être couronnés par l’obtention du prix Tanit de Bronze lors de la compétition officielle des «journées musicales de Carthage» en 2015, qu’à l’international (Maroc, Bahreïn, Beirut, Paris...).
«J’ai adoré le chant et la chanson depuis mon enfance et j’ai bercé mon imaginaire et mes émotions dans le chant. Chanter c’est vivre et être libre», affirme Lobna Nooman.
«J’ aime toutes mes chansons, je les ai accouché de la même manière dont j’ ai accouchée ma fille Nagham, aucune distinction, que de l’ amour», dit-elle.
«Il y a des chansons qui ont marqué mon parcours...comme la chanson طريق الحب ينجّي «le chemin de l’ amour délivre», qui est l’ une des œuvres de mon projet «El walleda» qui est reliée à l’ image de mon amie la militante Lina Ben Mhenni...je l’ai chantée lors de ses funérailles. C’est une chanson qui parle de la femme et du patrie», se rappelle l’artiste.
Lobna, la chanteuse et la comédienne
Après des études d’arts dramatiques à l’Institut Supérieur d’Art Dramatique (ISAD) de Tunisie, Lobna a choisi de se lancer dans une carrière à la fois de chanteuse et de comédienne tout en continuant à se former dans divers stages avec des metteurs en scène et des pédagogues de renom, tunisiens et internationaux (Raja Ben Ammar, Azzedine Guenoun, Pippo Del Bono...).
Au théâtre, elle a joué sous la direction de Ezzeddine Ganoun dans «Otages» et de Wahid Ajmi (le grand prix aux Journées théâtrales de Carthage en 2019), dans «Mémoire courte».
Au cinéma, son rôle dans Bastardo de Néjib Belkadhi lui a permis de remporter le prix de la meilleure actrice au Festival du Cinéma Méditerranéen d’Alexandrie en 2013. Elle a également pris part au film de Najib El Kadhi, «True Story» qui a remporté le prix du meilleur film aux JCC 2019.
«La difficulté et la complexité de la vie artistique que j’ ai choisi se situent dans le fait que j’expérimente des tendances artistiques variées, à la quête de la quintessence musicale, artistique et esthétique. Dans l’ expérimentation, il y a forcément beaucoup de temps à passer dans la recherche et l’ essai», explique-t-elle.
«Je ne peux me limiter et me créer des barrières dans un seul registres musical et artistique en général d’ autant plus que je suis une artiste multidisciplinaire dans le sens que je suis d’abord une ressortissante de l’institut supérieur d’ art dramatique de Tunis et un profile cinématographique», considère-t-elle.
Une scène artistique en pleine gestation
En dépit des bouleversements majeurs qu’a connus la société tunisienne depuis 2011, les conditions nécessaires au rayonnement de l’art tunisien demeurent insuffisantes.
Selon Lobna, la scène artistique tunisienne a vécu des hauts et des bas, notamment après la révolution.
«Il y a eu une effervescence, mais le résultat n’ a pas abouti réellement vers l’essor de la chanson et la musique tunisienne en dépit des nouvelles conditions, (liberté d’expression, subventions etc..)», note-t-elle.
Pour cette chanteuse de renom ce problème ne concerne pas uniquement la musique mais aussi les autres sections artistiques. «Certains ont été écartés malgré leurs carrières et la qualité de leurs projets, volontairement ou involontairement», relève-t-elle.
A cela s’ajoute, poursuit Lobna, l’absence d’une industrie qui garantit la continuité de ces projets, ainsi que la prolifération des pseudos «artistes» qui se sont imposés malgré la médiocrité de leur discours artistiques.
S’agissant de la scène maghrébine, elle a souligné qu’elle souffre de la même chose, «certainement il y a beaucoup de projets intéressants et originaux mais il reste beaucoup de travail à faire», estime-t-elle.
Un compagnon dans la vie et l’art, quelle chance!
Artiste authentique, Lobna Nooman puise dans la tradition tunisienne pour en tirer de belles histoires, mises en musique par son compagnon, Mahdi Chakroun.
«Le partage dans l’art et l’amour ne peut que renforcer l’oeuvre artistique, avec mon compagnon de vie et au même temps mon compagnon artistique, le compositeur et luthiste Mahdi Chakroun, nous sommes parvenus à réaliser quelques bribes de nos rêves, nous allons encore aller plus loin dans le rêve, l’amour et la création», dit-elle.
Evoquant son premier album «Kan ya Makan», Lobna a relevé que cet album composé de 9 chansons renvoie aux chansons qui racontent des histoires, d’autres sont des chansons du patrimoine revisité.
Selon Mehdi Chakroun, l’album «Kan ya Makan» (Il était une fois) se veut «une sorte de documentation, un recueil de cinq ans de travail avec des hauts et des bas. Les titres peuvent se lire comme un conte. Le conte d’un couple de citoyens tunisiens, un conte de la Tunisie, un conte d’amour, de liberté...Un conte poétique fait de rêves et de soupirs, de rires et de larmes.
«Cet album est déjà connu par le public à travers les nombreux spectacles qu’on a présentés et il a reçu le Tanit de Bronze aux Journées musicales de Carthage 2015. Et j’ai tenu à ce que cette documentation soit finalisée suivant les critères d’enregistrement sonores professionnels qui respectent l’auditeur», ajoute-t-il.
Vers l’internationalisation de la chanson tunisienne
Comme tout artiste, Lobna ambitionne de faire connaître son art à grande échelle en portant haut la chanson tunisienne. Après son succès national bien mérité, elle veut conquérir d’autres publics, à commencer par la scène maghrébine.
Sur la question «avec qui souhaiteriez-vous collaborer pour un prochain titre ?», Lobna a répondu, beaucoup mais elle a choisi Tania Saleh et Soukaina Fahsi.
«Elles m’inspirent beaucoup et j’adore leur musique et leur voix magnifiques», dit-elle, citant par la même occasion les artistes Oum et Amine Bouhafa.Concernant les artistes qui ont influencé le parcours de Lobna Nooman, elle a souligné que chaque artiste a ses repères, à partir desquels, il compose sa personnalité artistique.
«Fairouz était mon icône voire mon idole, sa voix, sa sensibilité, ses registres, sa présence scénique, tout me parle et me touche, bien sûr il y a d’autres qui m’ ont marquée, tels Charles Aznavour, Jaques Brel, Mohamed Rouicha, Edith Piaf, Asmahan, Hedi Jouini, Saliha etc…», raconte-t-elle.
«Les références alors sont nombreuses, je peux dire que ma personnalité artistique est composée d’ une superposition de ces strates», conclut-elle.