
Depuis l’apparition du coronavirus et ses retombées économiques sur le monde, les investisseurs ne cessent de considérer l’or comme une valeur refuge en ce temps de crise. C’est depuis longtemps un véritable havre de tranquillité pour ces investisseurs. À chaque crise mondiale, le cours de l’or bat les records. Après la crise économique mondiale de 2008, les investisseurs s’étaient empressés en foule sur le métal jaune pour mettre à l’abri une partie de leurs avoirs en attendant la fin d’une tempête économique qui traverse le monde.
L’ultime refuge en cas de crise
La crise du coronavirus semble envoyer un signal similaire. Après une baisse rapide lors du krach boursier en mars 2020, la valeur du métal jaune a bondi une nouvelle fois, dépassant le précédent record de 1550 dollars l’once pour la première fois depuis six ans, et cela après l’afflux massif des investisseurs vers des actifs sûrs. Fin mars 2021, le cours de l’or avoisine toujours les 1700 dollars l’once. Les «valeurs refuges » sont classiquement recherchées pendant les crises économiques. Au moment où la plupart des actifs voient leur valeur diminuer (surtout les produits financiers), elles constituent des placements notoires en raison de leur stabilité. Particuliers et investisseurs se penchent sereinement à «confiner» une partie de leur patrimoine en y investissant.
Au milieu de ces «valeurs refuges», l’or progresse habituellement de façon profitable lors des récessions et crises boursières. C’est ce que tendent à confirmer une analyse de deux chercheuses françaises en économie, Virginie Coudert et Hélène Raymond, dans l’article intitulé «L’or est-il une valeur refuge pendant les récessions et les crises boursières ?» publié en 2012. À la suite d’une analyse de l’évolution comparée des cours et rendement des actions et de l’or en période de crise, ces analystes constatent que «la corrélation entre l’or et les actions, déjà proche de zéro en période tranquille, tend à diminuer encore pendant les crises, ce qui permet de reconnaître à l’or sa valeur refuge».
Ces chercheuses expliquent que l’or constitue une méthode de couverture intéressante pour les actionnaires dans la plupart des cas. «Malgré ses faibles rendements sur le long terme, l’or fait partie des actifs les plus attractifs pour diversifier un portefeuille d’actions», précisent-elles.
Des prix vertigineux de l’or
Selon un rapport publié par «Bloomberg», le prix de l’once d’or oscillait autour de 36 dollars en 1970, alors qu’il a déjà dépassé les 2000 dollars en 2020, soit 45 fois plus. Après avoir prédit que le cours d’or franchira cette barre symbolique des 2000 dollars en 2020, l’analyste financier italien Stefano Bottaioli avait tout à fait raison.
Il a précisé dans un entretien précédent à BAB, le mensuel de la MAP, que la montée de l’or suscitait l’engouement des investisseurs, alors que pour 2021, il n’est jamais trop tard.
En effet, «les prix d’or atteindront 4600 dollars à long terme», selon cet expert italien qui a employé deux paramètres pour calculer cet objectif de prix, à savoir l’évolution de la masse monétaire et le taux de couverture implicite de l’or.
Évoquant trois scénarios d’évolution du taux de croissance de la masse monétaire dans une période de 10 ans, Bottaioli a utilisé l’agrégat monétaire M2 (pièces, billets en circulation, et dépôts en compte-chèques) considéré moins volatile que les autres agrégats monétaires tels que le MZM (maturité monétaire à zéro, qui inclut M2 moins les dépôts à terme, ainsi que tous les fonds du marché monétaire). Il a également utilisé des taux de croissance historiques de M2 sur différentes décennies et ayant fourni à ces scénarios une estimation de leur probabilité d’occurrence.
Par ailleurs, ce consultant financier de la Banca Consulia en Italie a également évoqué une corrélation inverse entre l’or et le dollar qui semble se diriger, en dehors d’un rebond à court terme, à la baisse pour une longue durée.
En ce qui concerne les investissements sensibles à l’inflation tels que l’or et ses mines, l’argent, les matières premières, l’analyste italien a indiqué que leurs actions ont connu une performance solide en 2019 et ont surclassé les grands indices boursiers pour la première fois depuis longtemps.
«Au cours de la crise du Covid-19, le signal d’inflation s’est considérablement affaibli. Les tendances déflationnistes massives ont été contrées par des mesures monétaires et fiscales extrêmes», estime Bottaioli, notant que cela concorde également avec une fragilité apparente de l’économie mondiale.
Retour sur une histoire dorée
L’or a bâti sa réputation de valeur refuge non pas seulement depuis le siècle dernier, mais depuis bien longtemps. Dans «L’histoire de l’or», un livre intéressant écrit par l’économiste français René Sédillot en 1971, le métal jaune a su depuis l’Antiquité nourrir une passion humaine. Que ce soit pour ses qualités concrètes et pratiques ou le fait qu’il est remarquablement malléable et ductile, «ce qui compte en cette affaire, ce n’est pas la matière, c’est l’homme», selon Sédillot, ou plus exactement, «le rapport entre la matière et l’homme, le sentiment que l’homme porte à la matière. Du jour où l’homme connaît l’or, il est fasciné».
L’or symbolise le pouvoir, la richesse et le divin. Dès l’Antiquité, il est utilisé pour fabriquer des bijoux et comme monnaie d’échange. Étant le plus vieux métal connu avec le cuivre, l’or a joué un rôle incontestable dans pratiquement toutes les sociétés, à toutes les époques et sous toutes les latitudes. À cet égard, l’attraction de l’or est décrite dans différents mythes et légendes. De la Grèce Antique jusqu’à l’époque moderne, chaque civilisation avait ses légendes et ses orfèvres. Dès sa découverte, l’homme lui a attribué une grande charge symbolique : les hommes le comparent aux dieux éternels, car il est brillant comme le Soleil et inaltérable. Par conséquent, Sédillot conclut son livre avec certitude par ce qui suit :
«Pour que l’or perde ses fonctions et ses vertus, mises à part celles que lui reconnaissent l’art et l’industrie, il faut et il suffit que tous les gouvernements équilibrent leurs budgets, jugulent la hausse des prix, dissipent les menaces d’inflation; que la paix règne dans les nations et entre les nations (...) Si toutes ces conditions ne sont pas remplies, l’or garde quelques chances».
Pour l’économiste français Philippe Herlin, ce point de vue ne tiendrait pas, car l’or constitue certes la valeur refuge de référence qui prend de l’importance en situation de conflit, mais pas seulement. L’Histoire nous l’enseigne.
Selon lui, c’est surtout l’inconséquence des États qui dépensent sans compter, pour satisfaire leur clientèle électorale, et qui financent ce déficit par l’impression monétaire.
«Au bout d’un moment la hausse des prix se manifeste et elle agit comme une taxe qui pèse sur tous les citoyens», explique-t-il à Maghreb 1, notant qu’avec la mondialisation et la forte concurrence internationale qu’elle induit, on ne voit pas d’inflation significative sur les biens de consommation, elle se manifeste plutôt sur l’immobilier, qui érode sérieusement le pouvoir d’achat des ménages.
L’or a un bel avenir
Pour cet auteur du livre «L’or a un bel avenir» publié en 2012, l’or ne perdra ainsi jamais sa valeur, ancrée dans le cœur des Hommes depuis des millénaires, mais le moyen d’en supprimer les variations est simple, et il a déjà été appliqué dans l’histoire, c’est de revenir à l’étalon-or, c’est-à-dire de fixer un rapport stable entre la monnaie et une certaine quantité d’or. Mais pour cet expert français, cela interdirait aux États de creuser leurs déficits et de veiller à un strict équilibre entre les dépenses et les recettes... «Y sont-ils prêts ? Et nous, citoyens, qui nous tournons trop souvent vers eux pour leur demander toujours plus, y sommes-nous prêts ?», s’interroge-t-il.
Soulignant le précédent record datant de 2011, ce docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers a expliqué que ce celui-ci a été réalisé dans le contexte d’une crise de la dette souveraine en Europe avec la faillite de la Grèce, le risque d’explosion de l’euro était réel, mais l’Union européenne et la BCE ont repris les choses en main (en faisant plus de dettes!). Selon Herlin, cette fois nous sommes au début de plans de relance gigantesques, les banques centrales des grandes devises internationales (dollar, euro, livre sterling, yen et yuan) ne peuvent plus revenir en arrière, c’est-à-dire arrêter d’acheter les dettes de leurs États et relever les taux d’intérêt à un niveau normal, c’est trop tard, il y a trop de dettes, le château de cartes s’écroulerait. «À terme l’inflation menace... Donc oui, l’or a un bel avenir», conclut-il.