
Avec une voix qui caresse les oreilles comme une goutte d’eau rafraîchissante en plein été et une présence douce et affirmée, Lila Borsali est une artiste qui déborde d’émotions et de sensualité. Elle chante et enchante le patrimoine andalou et l’emporte, telle une ambassadrice, fièrement avec elle, partout où elle va.
Lila Benmansour Borsali, dont l’apparence inspire le calme et la zénitude, est une artiste musicienne et interprète algérienne de la musique arabo-andalouse.
Née à Tlemcen, ville de la beauté et des arts, Lila a été bercée, toute petite, par des airs andalous au sein d’une famille de mélomanes.
Nommée Fairouz l’Algérienne par certains, Lila Borsali diffuse, à sa manière, son amour pour la musique arabo-andalouse et contribue à sa préservation. En la voyant sur scène, vêtue de ses robes brodées et aux couleurs flamboyantes telle une princesse andalouse, et interprétant avec splendeur cet art séculaire, on est emporté directement dans une rêverie très douce et nostalgique.
Un début de chemin tout doux
Les membres de la famille, tant paternelle que maternelle, de Lila Borsali portent en eux l’amour de la musique arabo-andalouse, et certains d’entre eux la pratiquent même depuis plusieurs générations. «Enfant, j’ai souvent été présente à de longues soirées musicales que mes grand-parents organisaient chez eux, en famille. À la maison, mes parents écoutaient plusieurs styles de musique, tout en accordant à la musique andalouse une place privilégiée !», confie Lila à Maghreb1. Ainsi, son oreille a été initiée, depuis un très jeune âge, à l’harmonie des sons que dégage cette musique.
Selon elle, on est fondamentalement imprégné du milieu dans lequel on naît et dans lequel on grandit !
Lila raconte que, hormis un premier apprentissage en milieu scolaire avec M. Bekkai, ses vrais débuts, jeune adolescente, se sont faits au sein d’une association qui porte le nom d’une figure illustre du patrimoine andalou «Ahbab Cheikh Larbi Bensari» dont l’orchestre était dirigé par M. Kalfat Fewzi. «Mes premiers pas comme soliste, c’est avec lui que je les ai faits» souligne-t-elle.
En apprenant les bases fondamentales de cette musique, Lila a commencé à vivre et sentir avec passion la beauté et la splendeur de ce patrimoine. Une passion qui ne l’a plus jamais quittée.
«J’ai eu le bonheur de participer à plusieurs concerts, d’occuper une place de choix dans l’orchestre et j’ai même participé comme musicienne et soliste à un enregistrement avec Radio France International», dit-elle d’un ton fier.
En 1995, changement de direction. Lila part à Paris pour faire des études en architecture d’intérieur. Là où elle a fait la connaissance de son mari, feu Selim Borsali, qui était aussi issu d’une famille très portée sur la musique andalouse. Chose qui ne pouvait qu’encourager Lila à rester connectée avec sa passion initiale.
«A Paris, j’ai été concrètement membre fondateur de l’association «Les Airs Andalous» et j’ai poursuivi mon apprentissage avec M. Abdelkrim Bensid à qui je rends hommage pour sa compétence en sa qualité de chef d’orchestre et pour sa disponibilité à l’égard de nous tous musiciens qui travaillions avec lui», affirme Lila, ajoutant que cette période de sa vie a été particulièrement marquante dans la mesure où la musique andalouse était pour elle, en France, une forme d’affirmation de son appartenance identitaire qui, loin de l’inciter à se soustraire aux autres, lui permet, au contraire de s’ouvrir au monde et à la diversité de ses musiques.
En 2009, Lila revient à Alger pour s’y installer avec sa petite famille. Ce retour au point d’origine était important pour elle sur le plan musical. Elle a été accueillie par l’association «Les Beaux Arts» dont l’orchestre est dirigé par M. Abdelhadi Boukoura qui l’a énormément encouragée à aller au-delà du travail associatif, pour s’engager dans une vraie carrière de soliste. Et c’est comme ça qu’est né son premier album «Fraq Lahbab».
«Hosn Es-selim», un hommage pour surmonter la douleur
En 2013, un évènement affligeant chamboule la vie de Lila. Il s’agit du décès de son époux, Selim Borsali. «Il m’est toujours très difficile d’évoquer ce douloureux épisode de ma vie et de celle de mes filles. Mon mari m’a particulièrement soutenue dans ma carrière et sa mémoire restera toujours présente dans tout ce que je fais», souligne-t-elle.
Lila raconte que, plusieurs mois après son décès, c’est pour lui qu’elle a réussi à rassembler toutes ses forces pour essayer de continuer dans son chemin et être comme il a toujours souhaité la voir.
Durant cette période, Lila a été également très soutenue par sa famille et par ses amis qui ont été très présents à chacune des étapes qui ont suivi le décès de son mari.
Après avoir fait son deuil, Lila a voulu rendre hommage à son défunt mari d’une façon spéciale pour pouvoir avancer et surmonter sa douleur. Elle décide de lui dédier un florilège de textes poétiques qu’elle a composés en compagnie de ses filles, à la mémoire de leur père, qu’elle a présenté par la suite lors d’un concert plein d’émotions.
A travers cet album original, qui porte le nom «Hosn Es-selim», Lila Borsali a voulu s’exprimer sur ses propres sentiments et sur ce qu’elle a vécu depuis deux ans.
Lila souligne que la structure de la nouba a été respectée dans son album. Les «Twachis» ont été repris à la lettre et des titres ont été donnés à la poésie.
A chaque artiste son style
Au début de sa carrière, Lila Borsali avait l’habitude de se présenter sur scène, assise en compagnie de son instrument, pour animer des spectacles. Puis après, elle a changé de style et préfère chanter debout.
Interrogée sur ce changement d’attitude sur scène, Lila fait savoir que le fait d’être assise et concentrée sur son instrument lui a toujours donné l’impression d’être un peu coupée de son public. «J’ai choisi de chanter debout pour avoir un contact direct avec ce même public, pour partager avec lui ma passion, pour lui transmettre et lui faire vivre toute mon émotion ! La «barrière» qui sépare la scène des spectateurs est ainsi abolie et je suis toujours ravie de sentir mon public vibrer à l’harmonie merveilleuse des textes et des sonorités caractérisant notre patrimoine andalou !», indique-t-elle.
Sur scène, Lila se fait démarquer non seulement par la douceur de sa voix et la finesse de sa présence, mais aussi par l’authenticité des projets musicaux qu’elle présente à son public. «La Rentrée en Nouba», devenue une coutume pour les mélomanes et le public de Lila, est l’un desdits projets. C’est un rendez-vous musical inaugural de l’année artistique à venir. «Cette rentrée se fait sous le sceau de ce qui caractérise notre patrimoine dans son aspect le plus académique, à savoir La Nouba», fait valoir Lila.
«La Rentrée en Nouba» est une façon à travers laquelle cette artiste exprime une fidélité absolue à la norme et un respect incontestable des fondements de cette tradition musicale.
Dans ce sens, Lila affirme que «dans la diversité où nous cherchons chaque année à le réaliser, ce rendez-vous devrait nous dire à tous que notre patrimoine en lui-même s’offre à nous dans une richesse telle que ce serait un non-sens que de vouloir le figer dans le temps et refuser toute possibilité de lui assurer une continuité qui prendrait bien entendu en compte ses règles les plus élémentaires».
«Il s’agit donc de l’expression la plus symbolique qui soit de l’approche même qui est la mienne quant à la vision que j’ai, en ma qualité d’interprète, de notre beau patrimoine», ajoute-t-elle.
Une artiste ouverte sur de nouvelles expériences
Avide de nouvelles expériences artistiques, Lila Borsali n’a pas hésité à participer au court-métrage «Laissez-moi aimer» du réalisateur Belkacem Hadjadj, dans lequel elle interprète le rôle d’une «messagère de l’amour», qui traverse le temps et l’espace pour le répandre et le diffuser.
«Dans ce film, nous avons voulu faire dialoguer dans un espace qui serait «hors temps» plusieurs formes d’expression artistique – musique, textes, expressions corporelles, image – autour de la thématique centrale qui occupe mon album «Pour l’Espoir». Une thématique qui, dans l’interrelation qui naît entre la légende de Assim et Isabella en Andalousie, et un fait divers très récent, met en exergue tout ce qui, en matière d’entraves sociales, empêche d’exprimer ce sentiment inhérent à la condition humaine qu’est l’amour !», raconte Lila avec un grand enthousiasme ajoutant que ce court-métrage en est la parfaite expression et l’écho le plus absolu à son album. Pour nourrir davantage son âme d’artiste et sa créativité, Lila dit aimer la beauté du monde, sa générosité et son amour. La musique aussi, certes, mais aussi la peinture, le cinéma et surtout tout ce qui en lien avec sa formation initiale d’architecte d’intérieur: décoration, conception d’espaces nouveaux, etc.
Pour Lila, la pandémie actuelle est une épreuve terrible qui touche à l’humanité. Mais en même temps, elle nous a fait réfléchir à beaucoup de choses. «Plus précisément, en termes de relativité, il nous faut, je pense, réfléchir notre rapport à l’Autre, à la vie avec plus d’altruisme, moins d’égoïsme, et surtout plus de concentration sur ce qui fait l’essentiel de la vie au détriment des futilités qui ont peuplé notre quotidien», précise-t-elle.
Malgré la pandémie, et tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir, des projets pour Lila, il y en a toujours ! Il faut juste croiser les doigts pour que cette crise ne soit plus bientôt qu’un lointain et mauvais souvenir !