Kaédi, capitale de la vallée du fleuve

Par Amadou Seck
Kaedi, Mauritanie DR
Kaedi, Mauritanie DR

Kaédi, agglomération située à 430 kilomètres au Sud/Est de Nouakchott, est la plus grande ville de la vallée du fleuve. La cité, dont la population est estimée aujourd’hui à 51.000 habitants, avec une projection de 100.000 âmes à l’horizon de 2040, est l’une des plus vieilles cités coloniales de Mauritanie, aux côtés de Rosso, Atar et Nouadhibou, du fait d’une présence française arrivée de Saint-Louis du Sénégal à travers la voie de la navigation par le fleuve, remontant à la fin du 19é siècle.

Cette localité, capitale administrative (wilaya) de la région du Gorgol figure au rang des cinq villes les plus peuplées de Mauritanie aux côtés de Nouakchott, Nouadhibou, Kiffa et Zouerate.

 

Plongée dans les origines

 

Cheikh Moussa Camara, natif du village de Ganguel, un des plus célèbres érudits de la vallée du fleuve, qui a rencontré Tene Daouda Gueye, un chef traditionnel, à la faveur d’une visite effectuée dans la localité en 1922, fournit d’importants détails sur les origines de Kaédi, notamment les premières populations avant l’arrivée des colons.

Cet homme fait remonter les origines de la ville de Kaédi au 16è siècle. Son site historique, Touldé, qui signifie dune ou monticule, en langue peule, choisi pour échapper aux eaux d’inondation, fût d’abord habité par une population sérère (ethnie actuellement présente dans le Centre/Ouest du Sénégal) au nom totémique de Niang. Ces derniers, furent rejoints petit à petit par la population actuelle.

Le quartier de Touldé est composé de deux groupes sociaux divisés chacun en deux clans: le Groupe A, appelé les Sebbes, représente les guerriers. Il est subdivisé en deux composantes dont Mblanabé, avec comme chef de couronne le Farba de Mbal,et Dioufnabés, avec comme chef de couronne un Diagraf, dont l’origine serait une localité du nom de Windé Diouf.

Les maîtres des eaux (Subalbés) constituent le Groupe B de Touldé. Ces derniers sont également subdivisés en fractions.

La première est celle des Cagnelnaabes, avec comme chef de couronne le Farba de Cagnelé, un nom désignant leur lieu d’origine.

La deuxième fraction est celle des Kayhaydinabés, dont le chef de couronne est le Tène de Kaédi. La traduction littérale de ce dernier terme, issu de la langue peule, signifie en fait les habitants de Kaédi. Ainsi, la ville porte le nom de ce groupe.

Il faut ajouter à ces groupes de Touldé, qui parlent peul, la population Soninké, concentrée dans un quartier appelé «Gattagua» un peu plus au Nord, pour donner la configuration initiale de l’agglomération actuelle. Il ressort du récit de cet érudit très célèbre dans toutes les contrées du Sénégal et de Mauritanie, que la ville porte le nom du groupe dit «Kayhaydinabes».

Par ailleurs, Cheikh Moussa Camara montre également que la proximité des terres cultivables a été historiquement un élément déterminant dans l’occupation et la structuration de l’actuelle agglomération. C’est avec l’arrivée de l’administration coloniale, que d’autres quartiers, notamment celui dit «Moderne» fondé par de nouveaux arrivants, ont progressivement été habités.

Dans sa configuration actuelle, la ville de Kaédi accueille une importante communauté de langue Hassanophone (majoritaire en Mauritanie). Ce récit historique est très proche de celui raconté par Sow Moussa Demba, dit Tchombé, syndicaliste et fonctionnaire retraité du Bureau International du Travail (BIT), qui fût maire de la ville pendant une quinzaine d’années.

M. Sow soutient que «la ville actuelle, résultant de la fusion de six villages environnants à savoir Karémbal, Windé Ndiouf, Gandhi Thilogne, Jabbe Sala, Thiaguel et Mollé, date de 1604. Elle compte 51.000 habitants. La localité a été bombardée par les troupes coloniales françaises le 26 juillet 1890, pour avoir donné refuge au résistant sénégalais Alboury NDiaye.

 

Activités économiques

 

Les principales activités économiques de la ville de Kaédi tournent autour de l’agriculture, notamment deux grands périmètres d’aménagement rizicole. La dernière campagne de production des céréales a été catastrophique, avec un chiffre global en dessous de 3.000 tonnes de riz. Un constat qui montre que l’agriculture dans la capitale de la région du Gorgol a besoin d’un souffle salvateur. Les autres activités économiques sont axées sur la culture de certaines variétés de mil, la pêche fluviale, l’élevage et l’artisanat.

Pour redonner à la ville de Kaédi son lustre d’antan, l’ancien édile, qui est actuellement président du Conseil National du Dialogue Social (CNDS) de Mauritanie, dégage un certain nombre de pistes, notamment un accent particulier sur le développement de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche.

Il faut aussi un lotissement de la ville, le réaménagement des quartiers traditionnels: Toulde, Gattaga, Tantadji et Gourel Sagué. Il est également nécessaire de procéder à un nouveau découpage administratif, une densification de la ville, avec la création d’espaces verts, des services essentiels et des infrastructures de jeunesse: stades de football, de basket-ball, arènes de lutte…».