«Hors la loi», le bon, la brute et le truand

Par Boutaina Rafik
Le film algérien Hors la loi ©DR
Le film algérien Hors la loi ©DR

Si l’on nous demande de résumer Hors-la-loi en quelques mots: ce serait un film qui met le feu. Pour plusieurs, l’œuvre de Rachid Bouchareb est trop caricaturale empruntant des références des films américains de gangsters, d’autres trouvent que hors-la-loi est un devoir de mémoire qui raconte des faits authentiques sous couvert de fiction.

Hors-la-loi débute par une séquence forte. Trois frères, Abdelkader (Sami Bouajila), Messaoud (Roshdy Zem) et Saïd (Jamel Debbouze) sont les témoins d’un drame: les massacres de Sétif du 8 mai 1945. Le premier, partisan actif de l’indépendance, sera emprisonné en France. Le second rejoint l’armée française et le troisième, passionné de boxe, est définitivement traumatisé par la mort de son père. Bientôt, Saïd, interprété par Jamel Debbouze, propose à sa mère de rejoindre son frère en France où il purge sa peine.

Tout le reste du film se passe en France. Les trois frères se retrouvent dans un bidonville de Nanterre. Une fois libéré de prison, Abdelkader devient un responsable de la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN). Messaoud, l’ancien parachutiste de l’armée française, finit par rejoindre la cause de son frère. Ses remords s’intensifient au fil des crimes qu’il commet pour servir la cause. Le rôle du truand est dévolu à Jamel, qui n’a de yeux que pour la boxe et les cabarets et qui, contre son gré, reverse ses bénéfices à la cause algérienne.

 

L’autre face du FLN

 

Le film de Rachid Bouchareb raconte aussi une autre histoire. Celle d’une guerre civile entre algériens avec des scenarii d’assassinant par strangulation des compatriotes affiliés au Mouvement national algérien (MNA) ou un bon père de famille ne payant pas l’impôt révolutionnaire par les partisans du FLN. Rachid Bouchareb, qui ne cache pas sa sympathie pour la révolution algérienne, oscille entre une volonté de faire connaître l’histoire - «Je voulais montrer que cela a existé» - et une envie de créer un film réussi sur le plan artistique: «Il faut se libérer de l’histoire, la voir comme un grand sujet de cinéma». Hors-La-loi est aussi l’histoire du prix à payer pour l’indépendance.

Ce long métrage est une critique du mode de fonctionnement du FLN: ses méthodes de recrutement dans la masse ouvrière que constituent les Algériens installés en France, son idéologie qui privilégie la violence pour obtenir gain de cause, sa lutte fratricide avec le MNA. A travers Abdelkader, qui sacrifie sa vie personnelle et familiale au mouvement, on découvre l’idéologie d’un mouvement qui demande toujours plus à ses adhérents jusqu’à les pousser à commettre des atrocités.

Cette phase sombre de l’histoire algérienne est racontée à travers les yeux de Bouchareb à l’intérieur d’un monde saturé des codes du cinéma américain. Fusillades à la mitraillette, combats de boxe et cabarets dansants, on évolue moins dans le Paris des années 50 qu’à l’intérieur d’un film de gangsters.

Toutefois, ces ressemblances avec le cinéma américain ôtent au film son aspect authentique. Aussi, le long-métrage souffre d’un rythme inégal. S’étalant sur 2h11, Hors-la-Loi ne passe pas à côté de quelques longueurs.

 

Mais le résultat reste tout bonnement passionnant. Certes, remuer le passé quand il s’agit de l’Algérie et de la France est un exercice périlleux, mais le long métrage de Rachid Bouchareb est un film nécessaire, réalisé avec beaucoup de sincérité et passion.