À Fès, dans la peau d’un maître-artisan

Par Charaf Nor
L'artisanat marocain DR
L'artisanat marocain DR

Au coeur de la médina de Fès, se trouve un petit atelier dédié aux métiers de l’artisanat enfoui dans l’un des plus anciens fondouks de la cité impériale. Cet endroit est géré par un jeune trentenaire passionné par l’artisanat qui a hérité ce savoir-faire ancestral de son père et décidé de le partager, à sa façon, avec des apprentis venus de tous horizons. Il s’agit de Hamza El Fasiki que Maghreb1 vous fera découvrir de plus près son petit monde spécial.

Hamza El Fasiki a, avant tout, la chance d’avoir grandi au sein d’une famille d’artisans. Selon lui, le fils d’un mâalem «maître artisan» détient de facto 70% du savoir-faire qu’il faut et il ne lui reste que 30% à acquérir sur le tas pour devenir un artisan accompli.

Après avoir décroché sa licence ès études culturelles anglaises à Fès et avoir fait une formation aux États-Unis en entrepreneuriat social et business, Hamza rentre au Maroc avec plein d’idées dans la tête mais il temporise et enchaîne avec des études universitaires et des stages d’apprentissage de quelques métiers de l’artisanat.

 

Une saga familiale

 

L’histoire de ce natif de Fès a commencé le jour où il a décidé de rédiger sa thèse de Master dédiée à l’artisanat marocain. Pour ce faire, il s’est rabattu sur l’atelier de son père, un endroit serein, loin du vacarme de la ville nouvelle, situé précisément à Fondouk el Khrashfiyen à Rcif. Cet atelier, qui date de 1968, était resté fermé pour un bon moment, le père de Hamza ayant délocalisé son activité vers un autre endroit. 

Hamza a voulu donner une nouvelle vie à cet espace tombé en désuétude qui a vu naître des chefs-d’oeuvre d’artisanat et dont chaque millimètre carré porte les traces des années passées. 

Mais avant tout, Hamza devait apprendre le métier. «Ce qui n’était pas du tout facile, c’est de convaincre mon père de me prendre comme apprenti chez lui. Il croyait que j’allais vite décrocher comme c’était le cas avec mes frères aînés», raconte Hamza.

De guerre lasse, son père a accepté de lui faire apprendre le métier, le sien et celui de ses ancêtres.

«J’étais un apprenti chez mon père et je le suis toujours. Dans l’artisanat comme dans la vie en général, on ne cesse jamais d’apprendre», affirme-t-il.

Grâce aux voyages et stages que Hamza a faits, en plus de sa passion pour l’artisanat marocain, il a été bien outillé pour rouvrir l’atelier de son père. 

 

Nous sommes tous des artisans en herbe!

 

«Craft Draft» (projet d’artisanat en français), a vu le jour en 2015. L’atelier a été aménagé par Hamza dans une esthétique simple et dans une ambiance originale et accueillante, avec un sens aigu du détail, chose qui fait tout le charme de cet endroit.

Le concept, selon Hamza, est de recevoir des gens, tous âges, sexes et nationalités confondus, seuls ou en groupe, pour leur faire vivre une expérience inédite, celle d’entrer dans la peau d’un artisan.

Un patchwork de petits métiers est proposé par l’atelier de Hamza: reliure traditionnelle, arabesque, gravure et gaufrage sur cuir, fabrication artisanale de papier, confection du luth andalou, etc.

L’idée est la suivante: Au lieu d’acheter un objet artisanal fin prêt, Hamza vous propose, la même chose au même prix, de le confectionner vous-même, l’affaire de 3 à 4 heures, et de le ramener avec vous une fois fini. La méthode acquise, vous pourrez par la suite renouveler l’expérience par vous-même. 

 

«Craft Draft», une ambiance intimiste

 

Mis à part son travail au sein de «Craft Draft», Hamza donne des conférences, toujours en rapport avec son domaine et sa spécialité, l’artisanat et l’entrepreneuriat social.

S’exprimant à propos de l’expérience de Hamza, son ami Mohammed Najd Reddam raconte à Maghreb1 qu’il avait connu Hamza en tant que musicien amateur du luth et qu’il a eu l’occasion par la suite de découvrir ses talents d’artisan.

«Hamza fait son travail avec amour et dévouement, et ceux qui visitent son atelier peuvent le sentir en franchissant la porte. Il suffit de passer quelques minutes au sein de «Craft Draft» pour comprendre que cet endroit n’est pas conçu comme une simple entreprise mais comme un véritable laboratoire artistique», dit Mohammed Najd.

Faire vivre aux visiteurs l’expérience d’artisan, ne serait-ce que pour une brève durée, est le pari tenté par Hamza qui a réussi à rendre plus conviviale la relation artisan/public, que d’autres perçoivent sous un angle purement clientéliste, témoigne-t-il.

Derrière l’allure «casual» et dégourdie de ce jeune fassi, se cache un véritable mâalem de quatrième génération. Même si son style vestimentaire, vintage en quelque sorte, et son mode de vie en général, semblent un petit peu en rupture avec cette modernité dans laquelle le monde extérieur baigne. «Je m’attache à préserver tout ce qui est traditionnel dans ma vie, car c’est ce qui fait notre authenticité», dit
Hamza.

Rester dans la simplicité et la tradition et garder l’intimité du lieu; c’est ce que veut Hamza. «Je n’aspire pas à agrandir mon projet mais je veux bien le garder simple et original».