
«Banna Korel» ce prénom très peu commun, auquel il faut ajouter le nom de famille Sow, est celui d’une jeune mauritanienne, qui trace difficilement, mais courageusement, son sillon dans le stylisme depuis 2011.
Une année de référence, un point de repère pour une carrière naissante, alors qu’elle venait juste d’abandonner ses études à la faculté d’histoire et de géographie, sous la poussée irrésistible d’une ambition dont l’espace étroit des amphithéâtres ne garantissait nullement la réalisation.
Loin d’être une tête brûlée errant dans un univers imaginaire, la dame est parfaitement consciente des réalités économiques et sociales d’une activité «marginale», mais elle décide quand même de forcer le coffre du destin en s’inspirant des exemples positifs connus dans la région. Certes, l’évolution dans le milieu de la mode ressemble à un véritable parcours de combattant en Afrique à cause de multiples facteurs défavorables. Des contraintes encore renforcées dans le cas de la Mauritanie, un pays dans lequel les mentalités restent réfractaires à l’exercice de certaines activités pas toujours bien vues, malgré l’impact culturel et touristique que pourrait avoir leur promotion.
A l’échelle de l’Afrique, on a vu depuis plusieurs années, qu’en dépit des obstacles, la corporation des créateurs de mode enregistre parfois des réussites éclatantes. Une tendance illustrée par de grands noms de stylistes qui ont fait l’unanimité à travers le monde, à l’image d’Alphadi (Seidnaly Sid’Ahmed) magicien du désert et créateur de génie (Niger) Diouma Diakhaté (Sénégal), Oumou Sy (Sénégal)…
D’où l’image «d’un secteur, qui se bat, se débat, pour avancer et s’imposer» avec comme principal résultat des habitudes vestimentaires majoritairement dictées, voire imposées par une industrie du vêtement tenue par des hommes et des femmes qui ont choisi l’habillement comme métier» écrivait le site ivoirien «Abidjan.net» à travers un commentaire consacré à la 8é édition de la soirée de la mode «Afrique Fashion Show» organisée en novembre 2020.
Une enfance dans l’univers des tissus
Racontant son histoire, Banna Korel se dit passionnée de la mode. Un amour qui remonte à la plus tendre enfance. «J’ai toujours été entourée par les tissus et tout ce qui est lié à la mode. Un penchant qui me vient du fait que ma mère tenait un atelier de couture à la maison. J’étais très proche de ma maman. C’est à cet âge là que j’ai chopé le virus du styliste», confie-t-elle.
«Ainsi, au collège déjà, j’ai commencé à porter mes propres créations. Je me suis dit alors, pourquoi ne pas me lancer. Mais, c’était difficile en Mauritanie, et c’est toujours le cas actuellement, de trouver une structure, une école de mode. A un moment, j’ai voulu aller à Dakar pour me former. Mais là, ce n’était pas facile non plus», poursuit-elle. Finalement, j’ai eu mon baccalauréat et je suis allée à l’université, j’y ai étudié deux ans de géographie, mais j’ai senti tout de suite que les études poussées n’étaient pas la voie tracée pour ma réussite. Un constat qui m’a poussé à intégrer une association de jeunes artistes plasticiens dont les activités m’ont servi de rampe de lancement pour aller vers ma passion au début des années 2010».
Référence à la grand-mère orpheline
Interrogée sur l’origine de son nom, la jeune styliste explique que Banna est le nom de sa défunte grand-mère. Celle-ci habitait la ville de Podor (au Sénégal), qu’elle allait voir chaque année pendant les vacances. Banna numéro 2 rappelle le lien affectif fort avec sa grand-mère maternelle, qui préparait chaque matin un café gros grains dégageant une forte odeur qu’elle adorait beaucoup.
Sur l’origine du terme «Korel» dont la traduction littérale est «calebasse» ajoutée au nom de sa grand-mère, qu’elle porte également, la styliste fait une plongée dans les racines de la tradition peule «qui fait que le bébé ayant perdu sa mère est nourri grâce à un lait servi dans une petite calebasse. Ainsi, en créant ma propre marque, j’ai opté pour l’originalité, loin des termes courants dans le milieu du stylisme notamment mode, fashion…. C’est surtout une manière de rendre hommage à Banna, qui m’a transmis son nom», indique-t-elle.
Parlant des perspectives, la styliste mauritanienne annonce un festival «Korel Nomade» pour le mois d’octobre 2021, avec des invités venus de plusieurs pays d’Afrique et de nombreuses manifestations au menu: caravane en ville, soirée défilé de mode...