
Elles évoquent les tabous des sociétés de leurs pays respectifs. Dans leurs films, les réalisatrices maghrébines mettent en scène des personnages féminins modernes, marginalisés par leur indépendance et révolutionnent l’image de la femme dans le cinéma.
De Mounia Meddour (Papicha) en Algérie, à Kaouther Ben Hania (La Belle et la Meute) en Tunisie ou Meryem Benm’Barek (Sofia) et Meryem Touzani (Adam) au Maroc, elles sont de plus en plus nombreuses à faire entendre leurs voix, à défier la censure, pour briser les tabous, brosser le tableau de la femme maghrébine moderne et repousser les limites du débat sur les questions de société que leurs homologues masculins évitent.
Ces réalisatrices repoussent constamment les limites imposées par la société pour questionner la place de la femme trop souvent associée, dans les écrans, à la faiblesse et la dépendance. Libérant la parole de leurs héroïnes, en les mettant au centre de l’écran, ces réalisatrices nous offrent des portraits de femmes qui pensent, agissent et réagissent.
Le cinéma maghrébin ne se limite plus à une image unique et stéréotypée de la femme mais présente une pluralité de portraits féminins: femmes voilées ou non voilées, en pantalon ou en jupe, instruites et exerçant diverses professions ou analphabètes, paysannes ou citadines, femmes présentes activement dans l’espace public et femmes soumises entièrement aux volontés des pères et des maris.
Des films faits par des femmes et pour les femmes
Souvent, les films réalisés par les femmes maghrébines défendent la même cause, celle de la liberté des femmes.
«J’avais envie de mettre en scène un personnage féminin dont les caractéristiques s’apparentent à ce qu’on voit plus souvent chez les hommes ; elle est très masculine dans son apparence, (…) elle fait le choix de vivre seule, elle fume dans la rue», affirme la scénariste et réalisatrice franco-tunisienne, Manèle Labidi en décrivant l’héroïne de son film «un divan à Tunis» et d’ajouter que «de par ces choix, elle [l’héroïne] transgresse à Tunis, elle devient sulfureuse parce qu’elle ne rentre pas dans le cadre du mariage, du brushing, de la surféminisation qu’on impose aujourd’hui aux femmes».
De son côté, Adam, film réalisé par Maryam Touzani, raconte l’histoire de la lutte des femmes et l’entraide entre elles dans l’espoir de changer les mentalités et les lois.
Dans ce film, l’héroïne Samia interprétée par Nisrin Erradi est enceinte d’une relation extraconjugale. Elle se retrouve à la rue à frapper aux portes des maisons de l’ancienne médina. Les regards accusateurs suivent l’héroïne à chaque pas.
Ces mêmes regards accusateurs, mais dans un contexte et dans un pays différent, poursuivent Nedjma, l’héroïne de «Papicha», qui refuse de fléchir dans une Algérie détenue par les islamistes. Armée de sa détermination, elle décide d’organiser un défilé de mode au réfectoire de la cité universitaire. Un défilé autour du haïk et tout ce qu’on peut en faire sauf des voiles.
La rébellion de Nedjma est retrouvée également chez Farah, une jeune tunisienne de 18 ans qui fait face au conservatisme de la société. Elle aime faire la fête et surtout, chante dans un groupe de rock au grand dam de sa famille, qui voulait que leur fille devienne médecin. Dans «A peine j’ouvre les yeux» de Leyla Bouzid, le spectateur vibre au son de la voix de Farah, assiste à son évolution et ressent son étouffement dans une société attachée aux traditions.
Être réalisatrice au Maghreb, un grand défi
Ces femmes réalisatrices font souvent face à plusieurs défis notamment le manque d’engouement du public qui abandonne les salles de cinéma et l’industrie en soi qui est toujours balbutiante en quête de financements et de public. Selon une étude de la Northwestern University, les femmes représentent 25 % des cinéastes du monde arabe.
Cela dit, le peu de présence féminine dans le métier laisse penser que le changement n’est pas impossible, surtout que les réalisatrices maghrébines reconnues ont contribué considérablement à la diversification de la représentation de la femme dans le cinéma.
Et ce ne sont pas que les femmes qui participent à cette évolution. Les films ayant exprimé le plus d’empathie pour la gent féminine sont signés par des hommes également et nous montrent des personnages de femmes fortes, indépendantes, curieuses et intelligentes.