
Le 2 janvier 1909, naît à Tunis encore sous protectorat français, Tawhida Ben Cheikh, dans une fratrie de quatre enfants et meurt le 6 décembre 2010 à l’âge de 101 ans. Orpheline de père, sa mère avait alors dû batailler ferme avec la famille paternelle pour obtenir l’autorisation de permettre à sa fille, brillante élève que le médecin français et futur directeur de l’Institut Pasteur de Tunis, Étienne Burnet prit alors sous son aile, de faire des études de médecine à Paris, en 1929, où elle décrochera en 1936, à l’âge de 27 ans, son diplôme de médecin gynécologue.
À son retour à Tunis, Ben Cheikh entre dans l’histoire en ouvrant son propre cabinet médical de libre pratique, spécialisé en gynécologie-obstétrique. Elle est ensuite devenue chef du service de maternité de l’hôpital Charles-Nicolle de la ville en 1955.
Après la médecine générale et la pédiatrie, elle s’oriente vers la gynécologie et contribue à la mise en place du planning familial tunisien au travers du service qu’elle crée à l’hôpital Charles-Nicolle en 1963 puis au travers de la clinique qu’elle ouvre en 1968. Elle devient directrice du planning familial en 1970 se battant pour le droit à l’avortement, légalisé en 1973.
Issue d’une famille aisée de Ras Jebel, une ville côtière du nord-est de la Tunisie, Tawhida Ben Cheikh est la nièce de Tahar Ben Ammar (1889-1985), homme politique qui a joué un rôle clé dans le Mouvement national tunisien dès 1920. Il mènera, en tant que Premier ministre, les négociations pour l’indépendance de la Tunisie et ratifiera le protocole d’indépendance le 20 mars 1956.
Elle a été mariée à un dentiste en 1943, le couple a eu deux fils et une fille: Faycel Benzina, vétérinaire, Omar Benzina, dentiste et Zeïneb Benzina, historienne et archéologue.
Un parcours semé d’embûches pour parvenir à son rêve
Véritable pionnière et première en tout: elle a ouvert la voie aux Tunisiennes avec un parcours exemplaire. Elle fut la première femme tunisienne à obtenir un diplôme d’études secondaires. La première jeune femme de confession musulmane à décrocher le baccalauréat en 1928. La première étudiante à gagner Paris pour y suivre des études de médecine. La première femme médecin et gynécologue du monde arabe, et la première Tunisienne à siéger au Conseil de l’Ordre des médecins de son pays. Tout au long de son parcours, elle s’est consacrée à la santé de la femme et à la médecine reproductive.
Vice-présidente du Croissant rouge tunisien, grâce à son militantisme, elle contribue à la création de plusieurs associations d’aide aux orphelins, de soins pour les enfants ou d’éducation pour les mères. Elle milite tout autant pour l’accès à la contraception et à l’avortement (légalisé en 1973 en Tunisie), fonde le premier service hospitalier de planning familial et participe à la création de l’école des sages-femmes.
Dès son retour en Tunisie, en 1936, elle dirige le premier magazine féminin tunisien, Leila, édité en langue française, qui s’affiche comme «une revue mensuelle illustrée pour l’évolution et l’émancipation de la femme musulmane nord-africaine», devenu alors le relais des voix modernistes.
À l’indépendance du pays, elle dirige les services gynécologiques et obstétriques de l’hôpital Charles Nicolle (1955-1964) et Aziza Ottoman (1964-1967) et participe à la création de l’école des sages-femmes avant de prendre sa retraite en 1967.
Ben Cheikh a, par ailleurs, contribué à transformer la médecine tunisienne en offrant aux femmes et aux filles un meilleur accès aux soins de santé modernes. En mars 2020, le gouvernement tunisien avait émis un nouveau billet de 10 dinars à son effigie, le premier billet de banque au monde à représenter une femme médecin.
C’est en France, à Montreuil, qu’un premier hommage lui avait été rendu, un an après sa mort, à l’initiative de la maire de l’époque, Dominique Voynet, avec la création du centre de santé Tawhida Ben Cheikh.
Un timbre à son effigie est émis en 2012 par la Poste tunisienne.
La Banque centrale de Tunisie émet un nouveau billet de dix dinars à son effigie le 27 mars 2020.
Google a modifié son logo le 27 mars 2021 en son hommage.